Tout au long de Chantiers communs, retrouvez chaque jour une image de la région issue de «l’Atlas des régions naturelles» d’Eric Tabuchi et Nelly Monnier, commentée par une personnalité ou un collectif invités.
Lundi 15 mars, nous retournons cette carte postale d’Hermanville-sur-Mer, envoyée par Lionel Rougé, maître de conférences en géographie et aménagement à l’université de Caen, actuellement en détachement à l’Arseaa (Association régional pour la sauvegarde de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte) à Toulouse sur un poste d’animateur recherche et formation en travail social.
Des champs et des pavillons, voilà une des images retenue pour représenter la campagne de Caen. Une telle image aurait pu tout aussi bien se retrouver dans les campagnes de bien d’autres villes, petites à grandes. Cette combinaison semble même être un signe des temps tant elle se retrouve presque partout en France, et ailleurs en Europe. Cependant derrière la banalité d’un tel paysage et à côté du conformisme de cette forme d’habitat – la maison individuelle – et de cette forme urbaine – la périurbanisation – tout un pan de l’histoire politique et sociale locale et autant d’enjeux se dévoilent.
La diffusion urbaine dans les campagnes de Caen s’observe dès le début du 20e siècle avec les faubourgs de villégiature. Parallèlement à ce mouvement porté par des couches sociales favorisées, une autre pavillonnarisation s’opère avec le développement des cités ouvrières et minières en relation avec la Société métallurgique de Normandie (SMN). Dès les années 1970 le couplage entre des facteurs nationaux et locaux viendront réactiver les ressorts du développement pavillonnaire et pousseront nombre de ménages vers la possession d’une maison « à soi » à la campagne. Autour de Caen, le triptyque maison individuelle, automobile et centre commercial est tellement plébiscité que plus de la moitié des actifs travaillant dans l’agglomération caennaise résident dans une commune périurbaine (moyenne française : 31 %). Certes au même titre que Rennes, Saint Lô ou Vire, mais davantage que Rouen, Le Havre ou Cherbourg Octeville. Lieu privilégié d’installation résidentielle des couches moyennes, en particulier les professions intermédiaires, ces espaces périurbains sont cependant sociologiquement plus complexe .
Si la force du modèle pavillonnaire sort renforcé par la crise sanitaire actuelle, il se mâtine aujourd’hui d’autres réalités et invite à activer des chantiers communs : à partir de l’ancien qui se recompose ou par de nouvelles typologies qui s’inventent. Quant au devenir de ces espaces suburbains et périurbains, si, pendant un temps, ils ont pu apparaître comme éloignés des enjeux de durabilité, des initiatives viennent les transformer et des pratiques de mobilités alternatives à l’automobile émergent. Souvent vus comme des espaces laissés aux appétits des constructeurs et lotisseurs d’un côté, à l’individualisme de l’autre, entre lesquels les élus n’auraient qu’un rôle de régulation, ces formes mi urbaines mi rurales ne sont-elles pas un terreau potentiel pour des expériences d’urbanisme participatif et d’initiatives bottom-up en particulier pour conserver le lien à la nature, à ce qu’elle offre d’aménités, dont le nourricier ?
— Lionel Rougé
Demain, mardi 16 mars : une carte postale du Vexin normand, par Sabine Guitel
Pour aller plus loin :
- chantierscommuns.fr – retrouvez ici l’ensemble des cartes postales des régions naturelles de Normandie.
- archive-arn.fr – le site de l’Atlas des Régions Naturelles
- et du 6 au 30 mars, retrouvez l’ensemble de ces cartes postales exposées, et visibles en continu, dans la Vitrine de Pop à Caen.