Saint-Lô, par Stéphanie Maubé

21 mars 2021
Saint-Lô (Cotentin) – Eric Tabuchi et Nelly Monnier, L'Atlas des régions naturelles.

Tout au long de Chantiers communs, retrouvez chaque jour une image de la région issue de «l’Atlas des régions naturelles» d’Eric Tabuchi et Nelly Monnier, commentée par une personnalité ou un collectif invités.

Dimanche 21 mars, Stéphanie Maubé, éleveuse et maire de Lessay, nous écrit de Saint-Lô (Cotentin).

Le centre Manche est marqué par la Reconstruction. Ce territoire bocager a en effet souffert dans sa chair du Débarquement en 1944 : le D-Day occulte la Bataille de Normandie dans son ensemble, et la Guerre des Haies en particulier. La libération de la Manche a duré plusieurs mois, tué des milliers de civils, ravagé de nombreux bourgs. J’assimile le sort du style Reconstruction à celui du rutabaga : il évoque tant la privation et la souffrance que les habitants ne peuvent pas l’aimer, c’est dans leur mémoire génétique. Mais le renouvellement des générations offre la chance de s’affranchir de ce traumatisme.

L’architecture d’après-guerre est révolutionnaire par sa clarté et sa luminosité, par la lisibilité de ses lignes, par l’harmonie non-arrogante qui se dégage de ses proportions et du choix des matériaux. Elle a auguré une politique de « logement salubre pour tous » qui devrait toucher notre sensibilité contemporaine d’équité sociale.
Dans les bourgs « reconstruits » qui structurent le Cotentin, cette architecte est pourtant perçue négativement par les habitants. Ils critiquent son manque de style, la fadeur des couleurs, l’uniformité sans fantaisie et le manque de noblesse des matériaux.

Je suis maire de Lessay, petite commune rurale et littorale. Notre centre-bourg est un exemple académique de Reconstruction : rien de spectaculaire mais chaque choix fut parfaitement harmonieux. Je pense que ces alignements homogènes de façade et cette sobriété apaisante sont des outils de vivre-ensemble. Ils contribuent à écrire notre histoire collective. Je pense que pour réconcilier les habitants avec cette architecture, les élus doivent les accompagner pour l’analyser et en saisir les enjeux. La comprendre est l’étape incontournable pour la trouver belle, avoir envie de la mettre en valeur avec les attributs et habillage qu’elle mérite, contribuer à un sentiment d’appartenance positif au territoire et, in fine, vouloir y rester.

— Stéphanie Maubé

Demain, lundi 22 mars : Clotilde Neveu et Jeanne de Reviers nous écrivent de Saint-Nicolas-d’Aliermont (Petit-Caux).

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