Le Mortainais, par Camille Pigeon

3 avril 2021
Non localisé (Mortainais) – Eric Tabuchi et Nelly Monnier, L'Atlas des Régions Naturelles.

Tout au long de Chantiers communs, retrouvez chaque jour une image de la région issue de «l’Atlas des régions naturelles» d’Eric Tabuchi et Nelly Monnier, commentée par une personnalité ou un collectif invités.

Samedi 3 avril, notre traversée normande touche à sa fin, avec une dernière étape dans le Mortainais, avec Camille Pigeon, membre de l’équipe du festival des « Pluies de juillet » à Villedieu-les-Poêles.

Nous sommes dans le sud de la Manche en Normandie. J’ai grandi à la campagne, une bonne partie de mon enfance passée à courir entre les pommiers et l’ancienne étable de mes grands-parents. En parcourant L’Atlas des Régions Naturelles, mes yeux se posent directement sur des paysages qui me sont familiers : les collines bocagères, les panoramas verdoyants, les corps de fermes colonisés par le lierre, les petits bourgs et commerces résistants. J’examine les clichés spécifiques au territoire de l’Avranchin, puis du Mortainais. La majorité des paysages évoquent en moi des souvenirs, de l’attachement, à l’exception d’un, qui interpelle et questionne l’éco-anxieuse de 25 ans que je suis : le lotissement.

Proliférant aussi rapidement qu’une adventice déterminée, ces projets de lotissement s’imposent depuis plusieurs années comme un standard d’habitat moderne, mettant en danger l’identité paysagère et la biodiversité des territoires. L’homme parcellise son espace de vie, sans prendre en compte l’identité territoriale du paysage. Comment apprendre à protéger notre environnement quand celui-ci disparaît sous le béton et la standardisation ? Comment prôner une relocalisation vertueuse, quand l’extension urbaine ne cesse de croître ? L’habitat ne s’adapte plus au paysage, mais s’impose à lui à coup de pelleteuse et de béton.

J’ai choisi une photographie du Mortainais, un bâtiment, sûrement agricole, qui malgré son disloquement, résiste harmonieusement. Ces paysages doivent être visibles, mis en lumière, afin de les préserver. Cet arbre avec lequel le bâtiment ne fait plus qu’un, m’évoque cette triste distance que nous avons pris avec la nature en l’éloignant de notre quotidien, en la fragilisant. N’avons-nous pas d’autres destins à offrir à nos paysages que des lotissements, des zones d’activités ?

Penser un nouveau rapport habitat/paysage, basé sur le respect de la biodiversité, n’est pas un renoncement à plus d’attractivité, mais c’est avant tout être responsable de son paysage local, en prendre collectivement soin.

— Camille Pigeon

Fin de notre série

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